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UTMB : la réalisation d’un rêve – 31/8 au 2/9/2018

UTMB : la réalisation d’un rêve – 31/8 au 2/9/2018

Après 4 années d’attente et de persévérance, tout se précipite, le départ est imminent et je ne me sens plus très prête, pas assez préparée : j’ai peur et je voudrais partir vite pour faire disparaître toutes ces émotions négatives. Il est 17 heures, le vendredi 31 Août 2018, je me fraie un chemin parmi des concurrents aux mines déconfites, il y a beaucoup de monde (nous sommes 2561 partants) mais peu de bruit, l’émotion est palpable malgré les animations qui devraient nous détendre; la météo est maussade, il fait frais, gris avec des averses intermittentes. Je réponds aux messages d’encouragements, ils vont me porter tout au long de la course ; je pense à mes enfants Damien et Camille qui représentent mon moteur de tous les jours difficiles, à mes parents…

Et puis l’hélicoptère de la direction de course surgit, ensuite résonne la musique de Vangelis “Conquest of Paradise”, le « Goooo ! » marquant le départ est à peine audible, j’ai du mal à réaliser que nous avançons, j’ai la gorge serrée et les yeux qui piquent, mais je ne suis pas la seule, je vis un moment unique et tant attendu…

On marche pendant une quinzaine de minutes. Bref, toute la traversée de Chamonix avec une foule en délire qui fait sonner d’énormes cloches. Les spectateurs filment ou bien applaudissent, crient, certains coureurs filment aussi, c’est incroyable ; je me sens enfin libérée, je souris aux spectateurs, ils nous donnent tellement l’impression que nous sommes des héros… d’un jour, n’ayant rien accompli encore. Je n’ai pas vu mes amis Jean-Marc et Daniel, qui m’ont appelée et filmée.

1 depart

Départ à Chamonix – météo morose mais ambiance torride

Après les Houches (altitude 1010 m) la foule s’espace, puis seuls restent les bruits des cliquetis des bâtons, ainsi que celui des respirations qui deviennent bruyantes avec la côte qui commence. A 20 heures, première ascension : le Délevret (1744 m / km 14), plus personne ne parle. Une heure plus tard, à l’approche de Saint-Gervais (810 m / km 22), j’ai déjà allumé ma lampe frontale, la pluie est battante, la nuit est noire, puis on s’enfonce encore dans l’isolement, et c’est là que commence l’introspection, je me mets dans ma coquille et je réfléchis à tout et à rien, puis je me mets à bailler, à 22 h j’ai déjà sommeil car d’habitude je vais me coucher à cette heure-ci.

Aux Contamines (1170 m / 22h30 /km 32) c’est un électrochoc : lumière, foule, bruit, je me réveille définitivement ! Jean-Marc est là il s’occupe de moi, alors je repars vite. On passe aux choses sérieuses pour s’attaquer à la montée de Notre-Dame de la Gorge (1216 m) : par une magnifique Voie Romaine, qui me faisait peur à mes débuts en ski de randonnée à cause de son étroitesse et de son encaissement vertigineux; puis le Refuge de la Croix du Bonhomme (2433 m / km 46) est atteint à 1h35 soit au terme de 3 heures de montée ! Là on peut dire que le Puy-De -Dôme est petit ! Mais le spectacle est magique , le serpentin de lumière est incroyablement long; quelle chance j’ai d’être là !

2 clt Combal

La progression pendant le 1er tiers de course – col de la Seigne

Le jour se lève déjà, le paysage est gigantesque. J’essaie de faire une photo, je sais que non loin d ici se trouvent les magnifiques Dômes de Miage et de Bionnassay; si seulement je pouvais les voir … Cela réveille en moi de beaux souvenirs montagnards et je me dis que ce que je fais est facile comparativement. Tout se passe bien pour moi dans les montées, je double. En revanche, je constate que je me fais aussi sans arrêt dépasser par des casses-cou dans les descentes … Je préfère assurer mes appuis d’autant mieux que pour arriver à Courmayeur (1210 m / 8h20 / km 80), la portion après le col de Chécrouit est technique.

Ouf j’y suis à Courmayeur ! Je me fais bichonner, massage des cuisses, changement de vêtements, petit café, gâteaux… c’est trop cool mais le temps passe, je ne dois pas m’attarder. Mon moral est regonflé à bloc. Je reste toujours impressionnée par la qualité exceptionnelle de l’organisation et du balisage, et par la folie de l’ambiance. Je me sens joyeuse lors de la traversée de cette ville luxueuse. La montée jusqu’au refuge Bertone (1991 m) est facile pour moi, même si je me fais doubler par une Russe qui me prend 2 m à chaque pas ! Un bolide, je ne suis pas prête de la revoir celle-là. Je trouve bien longue la portion plate après le refuge Bonatti (2025 m / km 92 / 11h 30), c’est là que Kilian Jornet a abandonné mais il n’est plus là; j’aurais bien voulu qu’il m’encourage…

un samedi après-midi en montagne - descente avant le col Chécrouit

mon samedi après-midi à la montagne – descente avant le col Chécrouit

Il fait froid, je me gèle les doigts et les pieds, ce n’est pas pour rien que le kit grand froid est indispensable, j’ai été avertie que les températures ressenties pouvaient s’abaisser à -10° C ; cela me change de la canicule de ces dernières semaines.

À Arnouvaz (1769 m) je mets ma veste, en prévision du passage au Grand Col Ferret (2537 m / km 100/ 13h50) qui nous fait basculer en Suisse. Je suis vite en haut et, de nouveau, embarquée dans une interminable descente. Je ne suis pas encore à la Fouly (1592 m) que j’entends la voix chantante d’André Rodier. Comme je suis contente de courir un peu en sa compagnie, on discute. Il connait mon classement, il m’encourage. Anne-Marie nous attend aussi, elle est motivée pour moi et cela me donne du courage. Ils seront à Champex, l’étape suivante, avec Jean-Marc ! Super, cela va aller vite maintenant.

avec André et Anne-Marie - ravitaillement de la Fouly (Suisse)

avec André et Anne-Marie – ravitaillement de la Fouly (Suisse)

Courmayeur est loin derrière : presque 10 heures de course et 45 km parcourus depuis que j’en suis repartie; mais j’ai gagné des places. Vraisemblablement je suis 425ème. Je monte au lac de Champex en compagnie d’une fille, mais on ne parle pas, je n’ai pas envie de faire d’effort en langue anglaise…. Je suis déterminée à finir coûte que coûte mais j’ai mal au tendon d’Achille.

Est-ce qu’il va tenir ? La douleur est inquiétante et lancinante mais j’essaie d’oublier. Je la sens au ravitaillement. la course commence maintenant à me montrer tout son caractère difficile, je boite en descente. Zut ! Je n’envisage pas une seconde d’arrêter. Jean-Marc s’occupe de moi, je mange un yogourt, un délice, il savait que cela me ferait plaisir. Il me donne des nouvelles des appels qu’il a reçu des amis, de mes parents. Mon entourage me suit, c’est super. Le site internet de la course est bien fait; Philou est dessus à fond comme d’habitude !

dimanche soir en suisse -lac de Champex

samedi soir en Suisse – lac de Champex

Après tout ce temps passé à rabâcher ce que je dois faire, quand et quoi manger et boire en course ! La rigueur, celle-là même que je n’ai pas, mais que j’ai essayé d’avoir au fil de cette année 2018 laborieuse et difficile. Je n’oublie pas les fois où j’ai été découragée et épuisée … Je ne reste pas longtemps à Champex-Lac (1470 m / 18 h / km 125 : déjà 1 jour entier !) mais suffisamment pour repartir heureuse et motivée, bien accompagnée par Dédé, Anne-Marie et Jean-Marc.

Maintenant je me rapproche de l’arrivée, je suis seconde de ma catégorie, je compte bien le rester et assurer mon allure dans les descentes. Je n’ai pas sommeil, ouf ! La montée jusqu’au refuge de Bovine (1987 m) nous offre un magnifique coucher de soleil parmi les alpages; j’essaie de parler avec un Anglais des vaches Bufflonnes et de la mozzarella que j’ai mangée la veille dans une pizzeria à Chamonix, avec Daniel et Jean-Marc. On se comprend, enfin je crois.

6 ravito Mauclair

toute la magie de l’UTMB à Trient : les petits soins de Jean-Marc Morschel et l’accolade avec Nathalie Mauclair, double championne du monde de trail

Justement, Daniel, est là ; il m’en fait la surprise avant d’arriver dans la ville suisse de Trient (1300 m /21h30 / km 132) ; il vit ma course comme s’il la faisait et cela me motive encore plus. Il est joyeux et n’arrête pas de me parler d’exploit ! Justement notre “cinéma “ et notre bonne humeur interpellent une bénévole, que je reconnais : c’est Nathalie Mauclair, qui nous regarde bizarrement du coup. Je la sollicite pour une photo ensemble, car il n y a pas si longtemps ce petit bout de femme a gagné l’UTMB (2015). Elle nous dit qu’elle prépare la Diagonale des Fous (le Grand Raid de la Réunion), quelle championne !

deux vidéos d’André Rodier à la Fouly et à Champex :

https://www.facebook.com/andre.rodier.1/videos/pcb.1995045300515672/1995041690516033/?

https://www.facebook.com/andre.rodier.1/videos/1995253737161495/

Je repars pour ne revoir mes supporteurs qu’en France ! Prochaine étape : Vallorcine (1270 m / km 153 / dimanche 00h30) et encore un sommet à franchir : Catogne (2065m). La montée est longue, je suis devant un groupe d’hommes et je les sème. Mais dans la descente je me fais doubler, je me retrouve seule, je perds confiance : sûrement la fatigue. Il y a du brouillard, il faut traverser un troupeau de chèvres, j’ai peur de me perdre, j’ai du mal à courir en descente…. Rien de bon mais ça va aller, il ne reste plus que 18 km après Vallorcine.

J’arrive enfin à l’avant-dernier point de contrôle, Dédé m’attend à l’extérieur de la tente, le règlement est strict en ce qui concerne les zones de ravitaillement, il n’a pas le droit de venir vers moi , mais en insistant un peu ... Jean-Marc commençait à s’inquiéter, il est 00h30, on est le 2 septembre, je suis partie depuis plus de trente heures !!!

Je pars confiante et sûre de finir sauf si… j’attaque la montée du Col des Montets (1461 m), facile et court comparativement à ce que j’ai enduré avant ! Mais la descente est une vraie calamité, impossible de progresser autrement qu’en marchant, et je suis devant un groupe de cinq, que je finis par distancer sur la piste qui accède au ravitaillement de la Flégère (1860 m / 3 h 45 / moins de 8 km du but). En revanche, la descente finale a été un vrai cauchemar, j’ai arrêté de compter les personnes qui m’ont doublée tellement il y en a eu… J’avais trop mal aux pieds …Les bâtons m’ont sauvé, ainsi que le goudron de Chamonix !

ma seconde nuit - flashée à la Flégère !

ma seconde nuit – flashée à la Flégère !

Je n’oublierai pas l’accueil de Jean-Marc qui lui aussi a passé 2 nuits sans dormir, ce n’est pas simple pour les personnes de l’ombre, le stress est là aussi, ainsi que la frustration de ne pouvoir participer. Il m’a filmée pour une arrivée inoubliable, et puis Daniel était là aussi malgré l’heure très matinale (et / ou tardive) et toute la route qu’il avait à faire pour rentrer à Paris.

Je me revois arriver en courant calmement, presque seule, sûrement avec déjà l’envie de tout raconter pour faire revivre mes émotions. La joie l’emporte, j’ai mis les souffrances de côté ! J‘ai mis 35 heures, 7 minutes et 20 s pour boucler le Tour du Mont Blanc, ses 170 km et 10 000 m de dénivelé positif, en France, Italie et Suisse.

l'arrivée avec Jean-Marc - la remise des prix

l’arrivée avec Jean-Marc dimanche avant l’aube – la remise des prix (2ème masters2 féminine)

Franchir la ligne d’arrivée en courant, c’est ce que j’ai observé le dimanche matin (revenue vers la ligne après deux petites heures de sommeil) pour tous les finisseurs c‘est et toujours la même joie, le même soulagement de finir en boitant pour certains, peu importe le temps, mais finir. Cette course est un véritable défi pour chacun des concurrents : la terminer est une victoire personnelle...

Je suis presque triste d’achever ce récit de la fin de la course, car le rêve quand il est accompli ne peut plus être un rêve, mais ce qui est sûr c’est qu’il en appelle un autre … Et puis le dépassement de soi, si petit soit-il, est tellement positif !

Florence Beynel

classement féminin de l'UTMB 2018 - Florence est 6ème des françaises

classement féminin de l’UTMB 2018 – Florence est 6ème des françaises

Photos : André Rodier et Anne-Marie, Olivier Siméon, organisation

site : UTMB

A propos de Olivier Siméon

Au club depuis 2009, ancien président (2020-2023) Courses nature et sur route. Partisan du covoiturage.

4 commentaires

  1. Magnifique et plus encore…Un immense bravo

  2. Bruno et moi avons suivis de pres ton exploit. Vraiment bravo pour cette magnifique performance avec tous le travail que cela represente en amont. Laurence une ancienne adherente de la bac

  3. MAGNIFIQUE !!!!!!!

  4. MERCI POUR VOS COMMENTAIRES
    Le temps passe certaines belles choses ne s oublient jamais en revanche les mauvaises sont enfouies bien loin dans notre esprit.

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