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Trail de l’Aubrac Circus – 19/06/16

Trail de l’Aubrac Circus – 19/06/16

Nouvellement muté dans la région clermontoise, je décide de reprendre une activité physique après plus d’un et demi de disette.
Sur les conseils de mes collègues de travail, je m’inscrit au BAC.
J’y retrouve une alchimie parfaite entre rigueur, compétence et convivialité.
Mon niveau progresse et je suis de manière assidu les entrainements sans avoir d’objectifs particuliers (à la surprise de mes compagnons d’entrainement).
Néanmoins, un ami proche m’invite à m’inscrire comme lui au trail de l’Aubrac prévu en juin, on est alors mi-janvier.
Je regarde le profil, 55km, d+ 1800m, et je suis perplexe. Je n’ai jamais couru plus de 30km, mais pourtant je me lance. L’inscription est faite.

Après il s’enchaine un mois et demi de blessures, avec l’arrêt total de la course.
Nous voilà début avril, il reste moins de trois mois. Je retrouve mes baskets, mes copains d’entrainement et me lance dans la préparation de ce challenge personnel. J’ai pu bénéficier d’un plan personnel effectué par Pascal, président du club. Une fiche de suivi sur 2 mois m’a permis de dresser une feuille de route qui s’avère être une véritable ligne directrice de ma préparation. Avec quelques adaptations personnelles, elle m’a permis d’avoir un échéancier précis et motivant, merci.

Le départ de la course est imminent. J’effectue le retrait des dossards le samedi soir. Le monde, la musique et l’annonce officielle du départ prévu à 6h15 rendent concret la course : une petite pression monte.
Accompagné par ma compagne et soutenu par mon père, régional de l’étape, ce sentiment d’appréhension reste diffus.
En effet mon père connait l’Aubrac comme sa poche, il a observé, étudié le tracé pour pouvoir suivre la course, apporter une assistance tant logistique (ravitaillement, matériel) que psychologique (la course est longue…).
Je prends mon dernier repas du soir après lequel je prépare tout mon sac avec compotes, barres céréales, gourdes et mes habits. Tous est prêt, posé sur la table, je peux aller dormir tranquille. Le couché est imminent, et on se rassure avec la logistique, on se remémore les séances d’entrainement, les conseils reçus, mais on se pose toujours des questions face à l’inconnu : qu’est qu’une course de 55km ? Comment mon corps va-t-il réagir ?

La nuit se passe bien et le réveil sonne à 5h. Le petit déjeuner reste habituel : orange, kiwi, céréales, fromage blanc, thé, chocolat au lait, confiture… .  Bref rien ne perturbe mes habitudes si ce n’est le bruit de la sono, alors que j’aperçois déjà certains traileurs arriver progressivement et même commencer quelques échauffements.

Le temps est frais et humide pour un mois de juin. Les sentiers secs laissent place à des près où l’on craint de tomber à chaque pas : la course s’annonce rude.

Mes amis arrivent, on rigole, on prend quelques photos

depart-trail-aubrac

le départ est imminent, le speaker annonce « départ dans 5 minutes » ! La musique devient plus forte, nous sommes au décompte 3…2…1…PARTEZ !

On se souhaite bonne chance avec les amis, et me disent avec un grand sourire « à tout à l’heure» sachant que j’irai plus vite.

Le premier kilomètre est tranquille, il y a du monde, on n’est pas bien chaud et il faut lancer la machine. Je le tourne en 6’30’’. Dans le second kilomètre, le rythme et l’effervescence de l’ambiance collective accroît, je regarde ma montre, 4’32’’. Je me dis qu’il va falloir calmer le rythme, car il en reste encore 53km au programme. Nous sortons du village, la route laisse place aux petites traces dans les grandes pâtures des terres d’Aubrac.
C’est à cet instant que je me retrouve face à la réalité du trail en pleine nature, loin du tartan ou des chemins roulants. C’est donc en file indienne que les premiers kilomètres se déroulent dans ces pâturages. La recherche de l’équilibre précaire, entre les mottes d’herbes et un terrain très humide, nécessite beaucoup de concentration. L’allure est peu élevée mais je rentre progressivement dans la course en passant au 6ième kilomètre en 36’ en ayant eu un petit dénivelé positif de 100m.

Les kilomètres se suivent et j’en profite pour contempler la flore que je traverse. Le terrain est toujours aussi humide, les pas sont toujours calculés. Alors qu’au début de course j’évitais les flaques, mes pieds sont désormais trempés et je ne suis plus regardant sur l’humidité du parcours. Les 19 premiers kilomètres sont ponctués de légères bosses. Le tracé est parfois roulant, parfois moins, certaines parties me contraignent à marcher. Oui j’ai bien en tête que la course est longue. L’entrainement et les conseils sont bien présents et je décide de marcher par moments pour éviter de rentrer trop vite dans le rouge. Je ne perds pas beaucoup de temps et j’arrive au 17ième en 1h45, avant de commencer une descente escarpée jusqu’au ravitaillement du 22ième. Je pense à mon père et ma compagne qui doivent déjà être sur les lieux. Leur présence motive et l’idée de voir des personnes connues, quand on est seul à courir dans les près ou les chemins, ça motive. Après une descente très humide où je retrouve des coureurs à terre, des organisateurs soucieux de nous prévenir et nous demander de ralentir, le ravitaillement est là.

Je suis en 2h15 au 22ième.  J’y découvre beaucoup de monde, du public et mes «fans». Je les rassure, tout se passe bien : ils sont contents de me voir en forme. Ils m’informent que le premier est passé il y a seulement 20 minutes. Pour autant je relativise car je n’ai aucune prétention au classement général et il y avait aussi les coureurs du marathon qui partaient en même temps que nous.
Recharge d’eau, de boisson énergétique, le plein de compote, de fruits secs et on est reparti.

J’attaque une partie roulante et carrossable, plutôt plate, légèrement en descente par moment. Je boucle ces 8 km en 37 minutes avec des relances en 15/16 km/h. Je suis frais à l’orée du 30ième, et reste totalement lucide, sans aucun ressenti de lassitude. Pourtant, les choses vont se compliquer.

On commence à rentrer dans les sous-bois au fil des mono-traces à flanc de talus, très humide, glissant et même dangereux. Mi-chemin mi pierrier, l’équilibre est précaire. Je fais le choix dans cette partie et sur un passage plus technique de m’aider d’un tronc situé en aval de la pente pour m’équilibrer. Cependant ce dernier est mort, se dessouche et m’entraine quelques mètres plus bas. Je suis toujours seul depuis une dizaine de kilomètre dans ces bois. Heureusement plus de peur et d’émotion que de mal. Des égratignures, des brulures, mais il faut repartir. J’essaie de profiter du paysage, de ce cadre apaisant en enchainant les difficultés qui m’obligent à marcher, à me ravitailler en eau et en nourriture de façon régulière afin d’éviter une hypoglycémie.

Ensuite, j’enchaine deux passages de 400m avec 150m de dénivelé positif, suivi d’une montée raide sur 1 kilomètre. Les cordes qui sont placées pour nous aider et que j’aperçois au loin ne sont pas totalement rassurantes quant à la difficulté qui m’attend. J’alterne les périodes de marche avec les mains sur les genoux et les périodes de course. J’ai toujours ma lucidité mais les pensées commencent à se multiplier. On se demande par moment, quand on se retrouve seul au milieu de nulle part, qu’on court depuis 4 heures, «qu’est-ce qu’on fait là ?»… mais j’avance.

Mon trajet est ponctué par des encouragements brefs mais qui font du bien au moral, me fait oublier la lassitude et les jambes un peu lourdes. En effet, mes deux assistants sont là pour me soutenir et ça fait du bien. J’entends leurs encouragements, et je ressens de la motivation, de la fierté de ma compagne et un discours plus raisonné d’un père certes fier mais toujours prudent.

Le second et dernier ravitaillement approche, on est au 42ième où je passe en 5h. J’ai rattrapé le premier qui est passé il y a peu de temps. J’ai dû perdre seulement 5 minutes depuis le premier ravitaillement. Je fais le plein et repars aussi tôt. Mon père me dit c’est la fin et c’est tout plat. Cependant, la réalité revient rapidement. Les petites bosses s’enchainent mais c’est surtout la nature du sol, toujours humide, plein de mottes d’herbes qui me gêne. La fatigue s’installe peu à peu dans les jambes et la tête. Je comprends que tout ne va pas se jouer uniquement sur le physique pour bien terminer mais aussi dans la tête. Les pensées s’emmêlent, elles partent dans tous les sens. Je ne profite pas de ce paysage quasi lunaire, mais j’avance tel un robot programmé pour finir la course. C’est long, et je me pose souvent les mêmes questions, pourquoi être ici à exiger un tel effort à son corps ? Plus encore, avec une pointe d’ironie, je me dis que j’avais préparé la casquette, les lunettes de soleil et la crème solaire… qui se sont avéré inutiles au vu des conditions climatiques.
Ainsi, je garde la même tenue, composée d’un simple t-shirt recouvert par mon coupe-vent. Mes chaussures sont toujours trempées, je n’évite plus les flaques, je passe dans des ruisseaux avec de l’eau jusqu’aux hanches, je glisse sur les fesses dans les talus si glissant avec cette herbe humide, je suis en mode «traileur aventurier».
J’aperçois au loin Nasbinals et l’arrivée mais avant d’atteindre le point final, se dresse devant moi un ultime raidillon. Si j’ai réalisé une bonne partie de la course seul dans les bois, les 10 derniers kilomètres me remmènent à la civilisation. Je double des dossards de toutes les couleurs, car les différentes courses ont cette partie finale en commun. Mon esprit se mêle entre la satisfaction de doubler des coureurs qui ont réalisé une distance moindre et le désir de ne pas montrer une certaine supériorité.

Cette fin de course est longue. Si je n’avais regardé que par moment ma montre pour contrôler ma vitesse et la distance parcourue afin de ne pas me mettre dans le rouge, j’y attache plus d’importance à présent. Je regarde une première fois 42.500m

42km

puis après un peu de temps, 43.100m, 43.500m, les mètres ne défilent pas aussi vite que je voudrais. C’est le signe d’une certaine lassitude.

La banderole de 2 derniers kilomètres est là devant mes yeux. J’ai encore les jambes, alors je maintiens un rythme soutenu. Je pense à l’arrivée, à mes potes qui sont en train de souffrir à l’arrière (mon père m’a informé de leurs difficultés, de leur envie d’abandonner), à retrouver mon «fan club» (de seulement 2 personnes mais cela suffit amplement !).
Je m’approche de l’objectif que mon collègue m’avait fixé : se rapprocher des 6 heures. Je ne l’avais pas cru, n’ayant aucune idée, aucune référence, aucun vécu ; mais je voulais atteindre ce temps.

arrivee-trail-aubracarrivee-trail-aubrac

Je franchis la ligne d’arrivée en 6h08 avec une vitesse moyenne de 9km/h.

bilan

Satisfait d’avoir enfin fini, de rompre avec la monotonie et la lassitude des derniers kilomètres. Mais je suis surtout heureux, voir fier d’avoir terminé ma première longue course, de voir les sourires de ma compagne et de mon père. Je suis relativement frais, totalement lucide et ne ressens pas de douleurs particulières. C’est le sentiment du devoir accompli, la récompense des efforts réalisés à l’entrainement. Aussi, c’est le soulagement de revenir à la «réalité» après ce rendez-vous avec soi-même, son corps, son esprit pendant près de 6 heures.

Après une bonne douche, un repas solide typique du coin (saucisse aligot), je découvre avec étonnement et satisfaction les résultats de la course : 11ième au général à 30 minutes du vainqueur (je n’ai quasiment pas perdu de temps sur les 30 derniers kilomètres), 2nd sénior (à 8 minutes du 1ier). Qu’importe le temps, pourvu qu’il y ait la satisfaction du devoir accompli.

Tel une drogue, se pose la question : à quand la prochaine course…

Mes collègues réussissent, au mental, à terminer en 9 heures

A l’heure du bilan je remercie ma compagne pour son soutien moral pendant la course, sa complaisance quand je lui disais que je partais m’entrainer et bien sûr mon père pour son sens de la logistique et son soutien à toute épreuve.

Julien Prouhèze

Les résultats complets

A propos de BAC

5 commentaires

  1. très belle performance, compte rendu sympa .Merci Julien pour ce retour.

  2. bonnes jambes et belle plume généreuse. Tu vas pouvoir envisager les trails de Vulcain, du Sancy,….

  3. Bravo Julien. Joli récit de course et jolie performance. Tu peux être pleinement satisfait.

  4. Bravo Julien ,je vois que tu es aussi en commentaire qu’en course,au final une belle place dans une course loin d’etre simple.

  5. Bravo Julien !

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