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SaintéLyon – La PAT Patrouille – 01/12/2019

SaintéLyon – La PAT Patrouille – 01/12/2019

Une course ! Un défi ! La suite nous dira que c’était plutôt une aventure dantesque, apocalyptique, à haute valeur humaine.

Texte écrit par Patricia D pour l’équipée de course Patricia V et D (sur le 76kms en solo) et les relayeuses dans l’ordre de course Sandrine P, Claire M, Karine G, Armandine B sur une idée de Marie-France B (qui a cédé sa place pour cause de blessure), avec le soutien de Mathieu A (notre chauffeur, accompagnateur, soutien logistique…).

Sainte Lyon 1

Course proposée par Patricia  V début 2019, aussitôt rejetée…. Quelle idée de vouloir courir la nuit, sur une distance aussi longue et en hiver. Ce n’est pas pour moi.

Puis l’expérience  de « la chaussée des géants » en Ardèche modifie ma perception des choses, ma course était le 1 juin, le 2 juin je disais oui et  nous nous inscrivions à cette Sainté Lyon.

D’emblée la chose me parait insurmontable, mais c’est loin, alors laissons faire, les semaines passent, on ne peut pas reculer,  et la prépa sera elle aussi à la hauteur de l’évènement (mais ça c’est une autre aventure).

La team des Pat Patrouille se créé, cette idée, soutenue par Marie France me plait bien, l’esprit que nous donnons à cet évènement me convient tout à fait, elles vont faire un relais à 4 pour nous accompagner, le mental sera aidé si besoin, restera à faire avancer les cuisses.

Dans le sas de départ, les sensations nous prennent, la nuit est étoilée à sa façon avec les frontales,  le discours du commentateur nous rappelle aux difficultés que nous allons rencontrer,  et il scande « nous savons  tous quelle est la raison qui nous fait courir la Sainté Lyon », écoutons là.

Logés les uns contre les autres, on sent autant le côté palpitant que les émotions qui nous traversent, nous semblons tous heureux d’y être, nos mines affichent l’envie et en même temps l’inquiétude, positionnées en fin de sas nous sommes   encore plus stressées  à l’idée de ne pas être à notre place dans ce défi.

Sainte Lyon 2

Sandrine est avec nous pour ce premier quart de parcours, nous gérons chacune  nos émois dans cette attente sous la musique de U2 (ça c’est un signe, enfin pour moi !).

Sur ces dernières semaines, on a bossé le truc, analysé le terrain, les pourcentages de pente, les moments de course et de marche (et on l’assume), les entrainements en terrain similaire, de nuit, sous la neige alors pourquoi douter encore ?

Top départ on ravale une petite larme et c’est parti, on quitte vite Saint Etienne pour les chemins, il fait doux et la pluie est encore acceptable. Le doute nous a quitté (en fait on pense  à avancer plutôt qu’aux freins supposés nous gêner), on est gonflées à bloc,  et la montre confirme le schéma établi. Pour ma part je me réfère de temps en temps à ce que disent les relayeuses finalement je ne vais pas la regarder durant toute la course. Toutes les 3 on savoure ces instants dans le noir, on se le dit, avec les lucioles des frontales au loin devant qui forment une guirlande lumineuse  et les petits orchestres  courageux sous la pluie dans les hameaux traversés, en faisant abstraction du contexte et de la météo c’est l’esprit fête de village qui se dégage. On arrive très vite à saint Christophe et le staff qui nous encadre nous réchauffe autant le cœur que le corps. Première étape bien menée.

Départ 2 avec Claire

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Sur ce tronçon on passe à la Sainté ça se mérite, la pluie devient battante, le brouillard nous enveloppe, le repère temps étant déjà perdu avec un départ à 00h30, le positionnement dans l’espace n’est plus mesurable. C’est la machine humaine qui dicte les choses.  On court dans une ambiance envoutante, c’est un tronçon très montant, courir est d’ailleurs un grand mot. Mais on a pu  nous appuyer sur  la niaque de Claire qui dès qu’elle perçoit une zone de côte  légère nous invite gentiment à accélérer, en fait c’est plutôt bien car on dort peut-être un peu en courant ?

En tout cas, on l’écoute et on avance. Oui ça se mérite, et plus on avance vers Sainte Catherine et plus c’est vrai !

On arrive aux tentes du ravito sous une pluie diluvienne, sauf que seuls les bénévoles sont abrités. On a perdu notre relayeuse qui a suivi le chemin de la sortie relais, et on traverse quelques minutes d’absence toutes les deux serrées sous un bout de barnum, le cerveau est déposé, on ne se sait pas ce que l’on doit faire (manger, partir, se changer mais on n’a pas nos affaires, chercher Karine…), je dirai on est hébétées. Ces quelques minutes d’absence sont curieuses, je me demande ce que font toutes ces personnes autour de moi à s’agiter, j’entends les coureurs parler mais ils me semblent loin, je ne me rends pas compte de ce qui se passe, et comme on ne court plus cela se couple à un refroidissement spectaculaire.  Karine apparait alors telle une magicienne et nous voit transies, immobiles, collées l’une contre l’autre, elle nous conduit sous un barnum chauffé réservé aux relayeuses. C’est le must qui pouvait nous arriver. La voiture n’ayant pu s’approcher de Sainte Catherine, Sandrine a fait  seule la mule sur plus de 3 kms dans le noir avec le gros sac de bazar pour réchauffer à nouveau le corps et bien sûr le cœur.  On peut dire que l’épreuve physique  est également là pour le staff des relayeuses, elles font tout pour nous faciliter la tâche et nous éviter le stress : merci mille fois à elles (et à Mathieu). Notre arrêt sur cette étape sera le plus long, beaucoup sortent définitivement du jeu. De notre côté on est spectatrices de cela mais ça ne nous traverse pas du tout l’esprit. On a besoin de manger et boire chaud et positiver avec les copines.  Sandrine et Claire retourneront ensuite à la voiture.

Départ 3 avec Karine : rééquipées, frontales rechargées, réchauffées on se jette à nouveau sous la pluie et la fin de nuit amène aussi le froid. Cette fois on comprend :  La sainté c’est toujours un truc de dingue : on nous l’avait dit, cette édition ne va pas y couper. On avait eu la pluie, le brouillard, la boue mais là,  on part pour les marécages. Le terrain n’absorbe plus les pluies diluviennes, on ne cherche pas à éviter les flaques c’est impossible, c’est dans un lit boueux que nous courrons, un mini torrent dès que ça monte ou ça descend. On n’appréhende pas la profondeur des flaques/mares et parfois le pas de course est déstabilisé car on ne se s’attendait pas à ce que l’on trouve sous nos pieds. On avait bien intégré que la course « démarrait » à Sainte Catherine et qu’il fallait être fraîches sur ce lieu. On n’est pas du tout  épuisées sur le plan musculaire,  c’est la vigilance qui est exigeante. Je ne dirai pas qu’on savoure car le mot serait inapproprié,  mais n’étant pas dans la souffrance on avance sereines,  et à partir de là on mesure qu’on est quand même bien,  on ne va cesser de remonter les coureurs. C’est un paradoxe car autour de nous les mots fusent : « put… », « plus jamais », course de C…. , «  on ne m’y reprendra pas «  etc….. Avec Karine on détourne en humour nos petits désagréments et on se prend même des fous rires, ceux qui nous entourent ne doivent pas comprendre, ils pensent peut être qu’on délire (à moins que ce soit ça qui ait aussi contribué à quelques moments mémorables). On verbalise que nous avons de la chance d’être là, on a aussi dû avoir un lavage de cerveau !

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Moi je commence à sentir que le manque de sommeil me joue des tours, je n’ai pourtant  pas envie de dormir (caféine +++ merci),  mais je vois un sapin de Noël avancer. Karine très lucide me signale que c’est un coureur enrubanné de sa couverture de survie qui court ainsi. Après on verra effectivement beaucoup de sapins de Noël avancer. Ce tronçon est très dur, de par  le terrain, l’horaire (nous courrons depuis 7/8 heures), et il correspond à la dernière partie montante. On est en dessous de ce que nous avions prévu en vitesse mais la machine ne déconne pas, on n’a pas froid, et nous ne sommes pas du tout mouillées (à l’intérieur de notre bulle protectrice) à l’exception des mains. Ce détail va avoir une importance pour la suite.

Le jour se lève sur ce tronçon et nous profitons de cet instant où nous sortons d’une course dans le néant pour apprécier les monts du Lyonnais sous la brume, m’invitant aux souvenirs d’une des photos de Brassaï. On a un peu plus de  visibilité devant nous, il pleut toujours mais moins fort, le paysage banal devient merveilleux.

On communique par téléphone avec notre staff pour nous localiser et préparer la relayeuse suivante,  et là,  on apprend que sur le prochain relais ils ne pourront pas être présents. Il nous reste 4 kilomètres et nos mains sont glacées malgré, pour ma part, des moufles de surf soit disant étanches (non seulement elles sont trempées mais très épaisses, elles ont bien absorbé la pluie, aussi j’ai l’impression de porter de petites haltères en plus du froid).  Je vois qu’il faut rassurer Patricia sur le fait que nous n’aurons pas nos affaires, je lui promets de lui donner à la place de nos vêtements, des petites chaufferettes que je dois avoir au fond de mon sac à dos. La dimension du « j’aimerais » et de faire avec ce qui est « possible » prend tout son sens, on ne va pas se laisser abattre par des gants gelés. On court encore plus vite car on veut ces chaufferettes l’une comme l’autre. Karine nous encourage tout du long  de ces 4 kilomètres et on relance.

Sainte Lyon 3

Départ 4 :  Soucieu en Jarrest : Rien que le nom est inquiétant pour un coureur. Armandine est là, fraîche, organisant pour nous un ravito de fortune avec ce qu’elle avait dans son sac et ce qu’elle peut récupérer sur le ravito dévalisé par les premiers. C’est clair que prévoir ses petites affaires avec une organisation structurée  est un sacré plus, et avoir son  staff change la donne.  Nous mangeons et avons d’ailleurs faim, nous savons qu’il n’y a plus que 25 kilomètres et  de jour. Nos yeux brillent, on la tient cette Sainté car la fin est (sur le plan) assez roulante. Les chaufferettes seront un cadeau du ciel, car repartir avec des haltères OK mais chaudes c’est mieux.

Karine vit tellement bien cette expérience qu’elle  passe le relais mais décide de rester avec nous et au lieu de faire 23 kms, elle fera 45 kilomètres ! C’est donc à 4 que nous sortons de ce gymnase déserté qui nous laisse l’impression que nous sommes les dernières (mais le mental n’est pas atteint, derrière nous on a pu voir tous les abandons et on  a pu consulter lors de notre arrêt les messages internet de tous les  suiveurs(es)  derrière les écrans, cette minute de connexion   fait aussi  beaucoup de bien,  on va finir et du mieux possible) . On repart boostées. La sainté sera « notre Sainté », on sait désormais que c’est réalisable. Le corps est en parfaite forme et il ne faut pas regarder la montre car depuis le début on fait ce que l’on peut, l’une tire les autres, et selon les tronçons  l’élément moteur varie. Les conditions de la course ont modifié nos plans, on doit s’adapter, nous continuons ainsi, l’équipe fonctionne à merveille. On repart en courant et à partir de ce relais on ne voit plus personne courir, ils marchent tous.

On a les yeux embués  quand on aperçoit  nos suiveurs arrêtés au bord de la chaussée avec la voiture, ils   ont réussi malgré toutes les obstacles à rejoindre la route que nous empruntons sur une courte distance, ils nous encouragent, on ne s’arrête plus, même nos gants on ne les veut pas, les chaufferettes nous suffisent. Ils n’auront pas dormi non plus, ils auront eu froid et le stress d’être présent au bon endroit au bon moment : c’est une mission complexe et ingrate que d’être accompagnateur.

Chaque fois qu’on pense à voix haute  au pont de Gerland on a les larmes qui montent, ça nous enlève de la vigilance et il faut nous concentrer compte tenu du terrain.  On avance à nouveau  d’un bon rythme, Armandine est très surprise car elle attendait depuis un moment notre arrivée et elle avait vu des coureurs usés se poser dans ce gymnase, au bout de leur vie (c’est vrai que ceux qui s’installent dans le dernier sas appartiennent plutôt aux coureurs fragiles…). Plusieurs fois Karine et Armandine nous freinent car nous avons tendance à nous croire au bout mais 25 c’est 25. Ce tronçon restera encore un marécage et jusqu’à la fin  on va avoir les pieds englués, la chaussure collant au sol,  les portions de bitume nous amènent toutefois le sourire, même si  sur route c’est également le déluge, c’est un confort pour le pas de course. Des riverains ont installé des braseros pour nous réchauffer mais on a décidé de ne plus faire d’arrêt, on se refroidit trop et le redémarrage est chaque fois dur.  Des douleurs apparaissent : Pour Patricia V le dos lui fait mal, et Patricia D c’est le genou en sa face interne. On essaie de les mettre de côté, on sait que ça fait partie des règles du jeu et qu’il semble peu probable d’avoir une machine humaine  qui dit merci quand on l’amène à  ce type d’effort. On partage nos souffrances mais on n’en fait pas cas, nos suiveuses sont très attentives à nous, nous rappellent à l’ordre pour boire et manger  et se calent désormais sur notre rythme.

On double tout le temps, c’est un réel plaisir, on savoure cette fin, on veut arriver, on veut entrer dans cette halle, passer l’arche  mais on n’est pas dans la précipitation, on sait qu’on y est.

A 8 kilomètres l’émotion nous submerge à nouveau, c’est encore trop tôt, d’autant que Patricia V semble parfois courir en dormant, dès qu’on ralentit on veille à ce qu’elle ne tombe pas.  On avance et on accélère, les escaliers qui descendent sur Lyon  (sur 100 de  d) sont un réel plaisir après 75 kilomètres ! On a le pont Pasteur à traverser, un tour de piste et la halle qui nous attend.

Sainte Lyon 5Sainte Lyon 6jpgSainte Lyon 7

C’est la ville,  il reste 2 kilomètres, là c’est vraiment la fin on court déjà main dans la main, on est dépassées par les émotions, on accélère, le cœur bat la chamade,  on retrouve les 2 autres relayeuses qui ont participé à l’aventure et qui sont remontées à notre rencontre, les larmes montent mais là on peut les laisser couler.

On y est, on l’aura faite cette Sainté, on franchit la ligne toutes les 6 ensemble, on y croit cette fois, c’est fait et quelle course !

 Conclusion : 14 heures 15 de course (on va dire 13 heures de course sans les ravitos), du partage, de la solidarité, de l’entraide tout au long de cette nuit folle, des rires et des larmes de bonheur. Une team qui a été un réel soutien, toujours bienveillante et positive, sans  oublier notre chauffeur suiveur Mathieu qui a joué le jeu pour cette équipée féminine. Un grand merci à lui. Chacun a contribué à transformer ce défi en aventure humaine et l’histoire se termine comme elle a commencée : le speaker n’avait-il pas dit « on a tous une raison qui nous conduit à nous inscrire à la Sainté Lyon ». Chacune de nous avait sa raison et ça compte aussi.

Sainte Lyon 4

Patricia Damiens

A propos de JM

Au club depuis 2016 (Webmaster - membre du CoDir - commission Communication). Pratiquant CAP depuis 1996 - Trail et Course Nature.

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