A l’origine du projet, l’envie de vivre une course un peu exceptionnelle : départ à 20h30 sous une lumière encore généreuse qui va rester ainsi toute la nuit puisque en raison de la position de la ville au nord du cercle arctique, le soleil ne se couche pas entre le 18 mai et le 26 juillet. On sait que ce marathon n’est pas plat (en cause un pont qui relie l’ile de Tromso au continent) et que nous allons devoir le franchir 2 fois. Après avoir étudié notre plan de course c’est un départ vers le pont puis sur le côté ouest du continent avec aller-retour pour revenir sur le pont et faire un demi-tour de l’île de Tromso côté ouest à nouveau (avec retour du même côté).
Fins prêts pour 42,195 km, dès les premiers en-cas entre 2 aéroports on ne s’écarte pas de notre ligne de conduite alimentaire. On reste à l’eau (parfois avec de la blanche, au risque d’affoler la douane).
Nous testons dès notre arrivée cette ambiance bizarre de ne plus savoir où nous en sommes entre le soleil et la montre et après le diner nous partons faire une promenade digestive, il est 23 heures environ. La découverte de notre quartier assez récent, où tout est ouvert (garages, voitures) nous interroge, les jardins ont parfois quelques fleurs, les plantations sont plutôt rares. On imagine un peu ce que doit être l’hiver : dur pour l’homme mais rude aussi pour la végétation.
Nous logeons dans un charmant appartement, on se croirait dans le show room d’IKEA ! L’ambiance est douillette, les journées sombres 8 mois par an nécessitent surement d’avoir un espace de vie encore plus agréable.
La ville de Tromso est sympathique, de nombreux pubs occupent le cœur de ville et nous prenons nos marques pour l’après course. On découvre les produits locaux.
La pression monte quand on se met au goûter d’avant course, que faut-il manger de digeste ? Est-ce que nous portons de l’eau sur nous, une solution ? Quelles sont les meilleures crèmes qui nous feront avancer sans douleur, ou retarderons la fatigue (bref l’ambiance habituelle des courses) ?
Hervé découvre cette atmosphère, je dirais même cette excitation (il faut en finir, on voudrait déjà y être), et nous le prenons en charge pour que tout se passe au mieux pour lui. Il va « subir » de son plein gré et avec le sourire la préparation calculée et palpitante de ces dernière heures avant le top départ. Malheureusement, le temps est maussade, ce qui ajoute des questions aux questions habituelles : quoi mettre ?
On ne calcule plus, à 19h30 on se dirige vers le village du Midnight Sun Marathon, plutôt le midnight rain marathon, mais pas un seul de nous peste contre la météo tellement nous sommes heureux de le faire. On observe les Norvégiens, un marathonien engloutit devant nous un espèce de Big Mac double qui en temps normal nous plomberait bien, que penser ? On ne sait pas trop s’ils vont bien en course. On repère déjà le Kenyan, sec en short et en Marcel, c’est sûr, celui-ci il devrait être devant.
On se place sous l’arche, il fait 6 degrés. Des sas, sans meneur d’allure, il faut se débrouiller avec quelques repères au milieu de la foule. L’ambiance est bon enfant, plus de 50 nationalités sont représentées, nous avons des supporters tout le long du parcours.
Le top départ est lancé et tout de suite je note 13 km à l’heure, wouah, il va falloir calmer la machine car perso je n’irai pas loin avec cette vitesse. Lionel et Marie -France, sages et raisonnés, sont restés derrière, Simon quitte la masse des « 3h45 »au 2ème kilomètre, je le vois filer devant. Je me mets dans ma course, le temps est incertain mais acceptable, le pont qui semblait très haut (il l’est bien) est ridicule à côté des côtes avalées au cours de l’année, et finalement je m’aperçois que ça passe bien.
Je freine la cadence et rejoins un groupe de Français qui vont bien en allure, 11,2 à 11,4 et tout tient bien. Comme on est sur un aller-retour et que nous sommes seulement mille participants, je croise Simon sur le retour du premier semi, puis Lionel et Marie-France sur l’aller. On a tous bonne mine et je ne vois pas de souffrance. On s’était dit qu’éventuellement on récupérerait Hervé (car le semi officiel correspond à la fin de notre marathon).
Le deuxième semi ce n’est plus la même chose (pour tous les 4), la pluie se met à s’abattre sur nous et notre parcours nous amène sur la presque ile de Tromso avec un vent de face d’ environ 70 km/h , il nous refroidit et nous freine. Mon premier semi étant en 1h52 (avec une bonne partie du D+), j’avais espoir de passer en dessous de 4 heures, j’essaie de ne pas réviser mon ambition, consciente que j’ai de la marge. Ce vent fait baisser la vitesse de course, mais un paramètre que nous n’avions pas intégré (pour tous) c’est le dénivelé (voilà que ça continue à monter en plus du vent et de la pluie).
Les premiers semi-marathoniens nous doublent, bien frais et c’est assez déstabilisant, puis ça se tasse et le rythme de croisière reprend. Les Norvégiennes sont plutôt massives, des cuisses qui doivent bien grimper, mais qui courent aussi très très bien. On sent le ski nordique en complément de la course.
On est gelés, Hervé bien enduit pourra dire que la pluie a ruisselé sur lui sans l’imprégner (principe des plumes), c’est le deuxième avantage que l’on n’avait pas bien vu.Il faudra étudier ce sujet pour nos courses futures !
Tout le monde baisse en régime, personne ne double, je suis sur mon deuxième semi, pas encore dans le demi-tour et je revois le Kenyan sec du départ, tout seul sur le retour (2h23 au final), le second, et encore plus le troisième (2h51 au final) seront loin derrière. Puis personne d’autre ne revient ! Je me demande où passent les coureurs. Le cerveau tente de réfléchir, de calculer (des minutes, des distances, des objectifs,…), puis j’abandonne la réflexion au profit de « faire au mieux ». Il pleut toujours et le vent de face me glace.
Là, mise en pilote automatique, sur ce marathon le décompte des kilomètres est fait avec ce qui nous reste à parcourir et, à partir du km 18 jusqu’au bout c’est une vraie lutte contre les conditions climatiques. Il faut avancer coûte que coûte et puis, presque répit sur la fin, à 7 km du but le vent est moins fort, je reprends de l’énergie et le deal moins de 4 heures ne me quitte pas, si je reprends mon 11,4 km/h ça doit pouvoir passer. Pour en être plus sure j’accélère même un peu, les deux Français du début que j’avais devancés remontent et on s’accroche désormais les uns aux autres : on veut tous moins de 4 h !
On passera la ligne en 3h58, Simon est là depuis bien longtemps (3h33) et Marie-France devancera Lionel de 4 minutes pour arriver en 4h17. Lionel conclura que ce fut 4h21 de plaisir, à défaut d’avoir fait un temps, il a ouvert les yeux sur les espaces traversés, et c’était aussi cela le point de départ de ce périple. Marathon avec 536 m de dénivelé au final (mais on ne le savait pas) !
La suite : eh bien à 3 heures du matin on était encore actifs dans l’appartement, le lendemain on se faisait un pub le matin et on partageait un pot le soir avec une Française vivant sur place avant de terminer notre journée par un repas de fête. Et comme la bande était plutôt dynamique on a souhaité voir Tromso d’en haut.
Mais là, place au téléphérique pour regagner le plateau. On a découvert des beaux chemins qui sont de superbes spots de trail.
C’était un très chouette grand week-end, trop court mais qui nous a permis de mesure l’ampleur de ses grandes étendues sauvages. C’est une terre que nous foulerions bien volontiers une nouvelle fois !
Texte : Patricia Damiens et la petite troupe Marie-France Bezault, Hervé Deffontis, Simon Gutierrez, Lionel Damiens