Samedi à 4h00 du matin, le départ est donné pour mon 1er ultra-trail de l’année, 114 km pour faire le tour du massif du Beaufortain, en Savoie. Normalement il était prévu que je débute la saison d’ultra par le 92 km du Mont-Blanc. 2022 année exceptionnelle : je me présente sur le départ de deux courses qui ont dû être annulées en raison des conditions climatiques (en mars, trail de Fontfroide annulé en raison d’un épisode pluvieux cévenol…. En juin, le 92 km annulé en raison de risque d’orages de grêle, de neige en altitude et de vent violent).
Pour débuter ce trail, il nous faut faire le tour du plan d’eau de Queige, la ville de départ, près d’Albertville. Je pars avec mes amis Cécile Couto et Philou Gayral presque main dans la main, au même rythme en tous cas. Le sac est lourd, car en plus d’un litre et demi d’eau en raison de la canicule, il nous faut lunettes, casquette saharienne, crème solaire, ainsi que tout le matériel pour affronter le froid de la fin de nuit, et des réserves alimentaires car le premier ravitaillement solide est à 33 km…
Je mettrai 6 h 39 mn (3000 de D+) pour l’atteindre, c’est au bord du lac des Fées qui se trouve 3 km après la passerelle du magnifique lac de Saint-Guérin (le premier des quatre barrages rencontrés). Nous arrivons ensemble avec Cécile (elle est accompagnée d’Olivier son compagnon de vie) ; il y a beaucoup de spectateurs qui nous acclament et je suis accompagnée ponctuellement par un autre Olivier (Siméon), qui va effectuer un reportage photo jusqu’en début de soirée, et assistée aux ravitaillements par Jean-Marc (Morschel).
Philou s’est fait ravitailler par son assistante Sandy mais il est déjà reparti avant que je n’arrive. La base de vie et le prochain ravitaillement solide se trouve au 50e kilomètre… c’est au Cormet de Roselend (je mets plus de 4 h pour ce tronçon de 17 km ponctué de 1000 m de D+) …
Jusque-là tout va bien, je supporte bien la chaleur malgré un sentiment de souffle court, je me sens oppressée, mais j’ai gagné des places. C’est le début d’une lente remontée vers la première moitié du classement. Les deux du BAC Jean-Marc et Olivier sont là, fidèles aux postes de ravitailleurs. Tout est prêt quand j’arrive, j’ai même droit à un massage rapide de la part de Sandy.
Lors de cette étape nous sommes passés au pied de la Pierra Menta, avec des passages très techniques où j’ai l’impression d’être d’une lenteur incroyable… il y a beaucoup de pierriers, des gros blocs où chaque foulée est risquée. Le terrain est difficile, technique et périlleux. La Pierra Menta est majestueuse, des cordées l’escaladent. C’est le plus beau passage du trail.
Je repars pour la Gittaz, au dessus d’un barrage au fond des gorges du même nom. J’en suis à 67 km et j’ai effectué 4800 m de D+. Afin d’atteindre le point de ravitaillement, il nous faudra traverser une grotte en forme de tunnel, qui débouche sur une très longue traversée périlleuse en dévers, dont chaque pas peut nous entraîner dans le ravin. Elle surplombe le lac du barrage de La Gittaz. C’est vertigineux.
Olivier me rejoint pour me photographier et m’encourage pour atteindre la chaise que Jean-Marc m’a préparé… C’est une surprise, il n’était pas prévu qu’ils soient là mais heureusement il se sont motivés pour venir quand même… j’étais dans le très dur ! Cécile m a distancée et est déjà repartie.
Je m’installe et remplis de nouveau les gourdes d’eau, je bois énormément d’eau salée. Cette zone de ravitaillement comme toutes les précédentes est surchargée de monde … c’est étonnant après le grand calme de la montagne.
Je repars rapidement mais dans la montée, interminable, j’ai les bras coupés, je manque d’oxygène, la tête me tourne, je n’ai plus d’énergie au sommet de la crête : on dirait que mon corps me lâche, je suis seule, isolée. J’ai l’impression que je ne verrai jamais la fin de cet ultra …je réfléchis alors que le TOR des Géants de l’été dernier était trois fois plus dur, trois fois plus long (et je me demande encore comment j’ai réussi à le finir celui-là!)
Lorsque j’arrive au refuge de la Girotte (près du 4e barrage sur le parcours) je retrouve Cécile, il est 22h00… il faut rallumer les frontales, et à ce moment-là l’itinéraire est compliqué, il y a peu de balises, on croit être perdues, et on s’oriente à deux puis dans la descente vertigineuse nous sommes finalement trois filles ensemble, on glisse chacune notre tour tellement le terrain est instable …
On s’encourage, c’est comme cela jusqu’à Hauteluce (km 93). Là nous apprenons que Philou abandonne, comme bien d’autres concurrents à cet endroit-là. Il ne reste alors que 21 km, mais ça correspond à un minimum de 5 à 6 heures de course : inenvisageable quand on arrive épuisé à ce ravitaillement. Le reste à parcourir, pas bien plat, nous contrarie énormément mais heureusement nous sommes deux et ensemble.
Dernière étape avant la fin, nous nous trouvons aux Saisies. On est à 24 heures de course… le lieu est désert … allez il reste encore une grande montée de 300 m de dénivelé puis 1200 m de descente (14 km en tout) sur 11 km. On se remet à trottiner courageusement dès que le terrain est plus stable dans la descente, sous l’impulsion d’Olivier l’ami de Cécile. On peut dire que c’est une arrivée très chargée d’émotions, mais la première d’entre elle a été la joie d’avoir réussi à finir l’épreuve (en 27 heures).
Voilà,chaque expérience est particulière, il en reste énormément à vivre autant que d’autres ultras. Rien n’est prévisible mais une chose est sûre, chaque aide est précieuse. Merci à vous tous pour votre soutien.
Je finis première V2, j’ai conservé cette place tout au long de la course. Jusqu’à présent cette « boucherie » n a jamais permis à une V3 de finir, depuis que cette course existe.
Florence Beynel
141ème sur 231 classés, pour 580 partants, 12ème féminine sur 19 classées.
Photos et légendes des photos : Olivier Siméon
Encore une perf remarquable
Bravo florence
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